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Ils représentent environ un tiers de la population tunisienne. Les moins de 18 ans sont plus de trois millions en Tunisie. Et personne ne les entend. L’arsenal législatif existe, sa mise en application laisse à désirer. La mise en place d’une instance indépendante de suivi des droits des enfants a donc l’air nécessaire si on souhaite que ces derniers soient au fait de leurs droits et que la société travaille à leurs application. C’est ce qu’à l’air de penser le Ministère des affaires de la femme et de la famille (MAFF) qui a organisé, en partenariat avec l’UNICEF une conférence sur ce sujet à Tunis.

Depuis la révolution de plus en plus d’enfants trainent dans les rues en quémandant quelques pièces ou en vendant des paquets de bonbons et de mouchoirs. Est-ce juste la partie visible d’un phénomène de paupérisation de l’enfance ? Difficile à dire pour Aida Ghorbel, déléguée générale à la protection de l’enfance : « Temps qu’aucune étude n’a été faite on ne peut rien avancer. Mais ce qui est sûr c’est qu’un seul de c’est cas est déjà un cas de trop. » Et si ces cas existent c’est parce que les droits des enfants ne sont ni appliqués, ni protégés en Tunisie.

Le fait est qu’aucune instance n’est chargée de défendre et d’assurer que les droits des enfants sont respectés. Alors que la Constitution est entrain d’être rédigée et que la question des droits de l’homme à une place centrale dans le débat politique, soulever la question de la protection des enfants est opportun.

En Tunisie les lois qui protègent les enfants existent, mais entre le cadre juridique et sa mise en pratique il y a une différence explique Aida Ghorbel : « Il y a en Tunisie un arsenal juridique propice aux droits de l’enfant, avec des textes qui touchent tous les secteurs : protection, santé, éducation… Mais la réalité n’est pas à la hauteur des aspirations. Il y a des écarts entre la théorie et la pratique. La législation ne peut se contenter d’être harmonieuse avec les textes internationaux des droits de l’homme. Il faut une vraie application qui va dépendre de la qualité des gens qui appliquent les règles, de l’engagement politique, des budgets… »

Si bien que la mise en place d’une instance qui assurerait la promotion et la défense des droits et des intérêts des enfants paraît nécessaire. Elle aurait pour fonction de promouvoir les droits des enfants, de surveiller le respect de ces droits, de renforcer la participation des enfants et enfin de publier un rapport annuel sur la situation des droits de l’enfant. Le Comité des Nations Unies des droits de l’enfant appelle depuis 2002 à la mise en place d’un tel mécanisme en Tunisie. Aujourd’hui le pays semble enfin aller dans ce sens.

Différents critères existent afin de s’assurer de la mise en place d’une telle commission, comme l’a expliqué Andrea Ori, représentant régional pour l’Afrique du Nord du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

L’ institution doit se baser sur la loi constitutionnelle ou sur un cadre juridique. Les membres de cette institution doivent être indépendants et voir leur indépendance assurée par la loi. Le mandat des membres doit être limité dans le temps. L’institution doit avoir ses propres ressources financières pour pouvoir travailler. Et enfin l’instance doit bénéficier de pouvoir d’investigation suffisants pour pouvoir s’assurer que les droits des enfants soient respectés.

Le MAFF a commencé à réfléchir à une future institution en proposant un texte qui pose les bases d’une telle instance et en invitant des enfants à visiter l’ANC afin qu’ils commencent à se familiariser avec les lieux de pouvoir.

Car le vrai travail, pour Aida Ghorbel, se joue d’abord dans le changement de mentalité : « l’enfant doit être vu comme un sujet de droit, qui a donc des droits à faire prévaloir et à pratiquer et qui n’est pas uniquement objet de protection. Il doit connaître ses droits, des droits qui doivent être connus par toute la société et qui ne doivent pas être bafoués. La question du changement de mentalité, de la sensibilisation, est une responsabilité commune de toute la société, des décideurs, de la société civile et des médias… Il faut une mobilisation pour garantir ces droits, les mettre en oeuvre et les protéger. »

Selon elle la mise en œuvre d’une instance en charge du droit des enfants ne peut être que positif : « Si elle peut aller dans tous les lieux où se trouvent les enfants et interpeller les décideurs pour que des mesures soient prises, cela fera avancer les droits de l’enfant dans la pratique, dans l’application des lois, dans les programmes, dans les budgets alloués… Les enfants doivent vivre le présent. On ne doit pas s’occuper d’eux parce qu’ils sont les hommes de demain. Il faut le faire parce que l’enfance n’attend pas. »